Notre monde est de plus en plus complexe, incertain, imprévu. La crise, les crises, font partie de notre quotidien. Les nouvelles qui nous parviennent sont généralement loin de nous donner des raisons d’espérer. Parfois, c’est presque l’overdose de mauvaises nouvelles ! Elles peuvent rejoindre la vision parfois cynique de notre environnement. Nous participons même – parfois à l’insu de notre plein gré – à la sinistrose ambiante. Nous sommes en tout cas obligés de prendre une certaine distance avec ce que nous renvoient les médias car sans « anesthésie du direct », la déprime est assurée !
Pourtant, au fond de nous, l’envie de trouver des réponses, d’apporter des solutions, de mettre en valeur des actions authentiquement engagées est bien présente. Sans édulcorer la réalité parfois difficile du monde, sans chercher une positive attitude à tout-va, porter le regard sur ces héros du quotidien qui réveillent en nous un enthousiasme dépourvu de naïveté est une réponse possible qui nourrit notre « envie d’autre chose. »
C’était le thème de la soirée « Vivre l’économie autrement » organisée au Centre du Hautmont près de Lille le 15 octobre dernier : « Osons regarder les bonneS nouvelleS et les solutions qui marchent ! – A la rencontre de ces héros anonymes et porteurs de solutions qui donnent envie d’agir.» Plus d’une centaine de participants sont ressortis joyeux et enthousiastes après avoir écouté deux témoins qui se connaissent bien mais n’étaient jamais intervenus ensemble : Frédérique Bedos et Christian de Boisredon. Leur parcours personnel les a amenés à être les porte-voix de ces projets qui marchent, à partager des solutions au-delà la dénonciation des problèmes, à être les hérauts de ces héros anonymes.
Nous nous étions déjà fait l’écho des projets qu’ils portent respectivement : le Projet Imagine et SparkNews dans des articles précédents. Nous reprendrons ici quelques unes des histoires inspirantes qu’ils ont partagées.
Frédérique Bedos, de l’ombre à la lumière.
Après une belle carrière comme présentatrice d’émissions de télé en France et à l’étranger : Fashion & Design TV à New York, MTV Europe à Londres, M6 ou France 2 – dont la présentation des Victoires de la musique ou l’émission Concert Privé, Frédérique réoriente complètement son activité professionnelle, quittant les spotlights des plateaux pour entrer dans la lumière d’une réconciliation féconde avec sa propre histoire et de projets porteurs de sens.
Après avoir dû apprendre à « se blinder l’âme » dans un métier fort exposé, elle fend l’armure pour laisser entrevoir l’âme des autres et rejoindre la nôtre… En 2009, elle lance le Projet Imagine qui vise à mettre en scène tous les « héros anonymes » qui, dans l’ombre, font la révolution car, nous dit-elle « quoi de plus révolutionnaire que d’entrer en Résistance contre la morosité, le défaitisme et l’apitoiement en décidant de défendre envers et contre tout la Vie ?! »
Ce projet philanthropique a reçu le soutien d’une agence de pub pour réaliser un spot publicitaire de très grande qualité. Elle nous l’a présenté en avant-première, voici la version 55’’. Pour voir le making-of de ce film, > cliquez ici
Son histoire personnelle et familiale est à la source de cet engagement. Métisse originaire d’Haïti, Frédérique est élevée dans une famille de l’agglomération lilloise, avec 18 frères et sœurs venus du monde entier. Ses parents adoptifs, Marie-Thérèse et Michel, sont les premiers héros du quotidien qu’elle veut célébrer. Ce foyer est une leçon de vie pour chacun. La genèse du projet Imagine prend ainsi naissance dans cette famille extra-ordinaire ; c’est ce que relate Frédérique dans cet album de famille commenté « qui parle si bien de nous » :
Cette quatrième soirée « Vivre l’économie autrement » coïncidait avec la sortie du livre autobiographique « La petite fille à la balançoire » (Ed. Les Arènes) C’est un témoignage poignant qui rend compte d’un parcours où la force et la joie de vivre emportent tout, sans faire l’impasse sur les tête-à-tête compliqués avec sa mère à la dérive et une enfance qui aurait pu tourner à la catastrophe dans les méandres des services sociaux sans cette autre famille où il faisait bon jouer avec d’autres enfants. Comme le souligne la dernière de couverture : c’est un récit « qui donne envie d’aimer, d’aimer sans condition, d’aimer malgré tout. » Au-delà de la tolérance souvent prônée comme la valeur maximale dans notre société, mais au fond « être juste toléré ne sera jamais suffisant pour changer une vie ! », cette histoire de vie replace en haut de la pyramide des valeurs l’amour inconditionnel, seule source véritable de salut.
Renouer avec ce foyer, tuteur fondamental d’une enfance ballotée, après plusieurs années dans le déni d’une résiliente qui voulait croquer la vie à pleines dents, a marqué une étape essentielle du renouveau personnel et professionnel de Frédérique. L’authenticité de ce revirement, à la fois courageux et « reçu comme un cadeau » est très touchant. C’est magnifiquement exprimé par un de ses proches à la fin du livre à l’issue d’une dernière émission de télé pour les 25èmes Victoires de la musique en 2010 : « Maintenant que tu as quitté l’ombre des projecteurs, tu vas pouvoir entrer dans la lumière. »
Un des premiers héros Imagine que Frédérique a interviewé et filmé, c’est Ryadh Sallem, handicapé de naissance originaire de Tunisie, triple champion d’Europe de basket en fauteuil, sélectionné aux JO d’Atlanta puis dans l’équipe de France de rugby-fauteuil aux JO de Londres. Très jeune, Ryadh a été initiateur de multiples projets liés au handicap partout dans le monde, notamment en Afrique. Bousculant l’idée reçue selon laquelle les handicapés sont dépendants et ne peuvent rien apporter à la société, il propose : « Ne vous demandez pas ce que vous pouvez faire pour les handicapés, mais ce que les handicapés peuvent faire pour vous ! » Lorsqu’il fait découvrir le basket-fauteuil à des détenus lors de tournées dans des prisons, Ryadh témoigne : « Quand on est là, les prisonniers s’évadent, affirme Ryad, ils ne sont plus dans la prison. Cette expérience a motivé certains anciens détenus à se bouger, à faire des choses, comme reprendre des études. »
Créateur du Défistival qui réunit chaque année au Champ de Mars à Paris des handicapés « juste pour faire la fête », sa joie de vivre communicative aide à porter un regard différent sur le handicap. «L’humanité de quelqu’un est liée à sa capacité à s’occuper des plus faibles » souligne-t-il. « Il fait aller voir au plus profond de soi-même pour pouvoir en tirer le meilleur » témoigne une participante enthousiaste de cette rencontre dans la bande annonce (1’42 ») du portrait de Ryadh sur leprojetimagine.com : Le reportage complet de 19’37’’ est à retrouver ici : http://youtu.be/LcQ9nuiZgm0
Christian de Boisredon, partager des solutions pour susciter un impact.
A l’issue de ses études d’ingénieur agronome, Christian part avec deux amis à la rencontre des hommes et des femmes « qui font avancer le monde ». Publié en 2000, leur récit a connu un franc succès : « L’espérance autour du monde » est vite devenu un best-seller vendu à des milliers d’exemplaires et traduit en sept langues. Leur expérience ouvrira la voie à de nombreux tours du monde thématiques.
Le jour du lancement de leur livre, 3.500 personnes sont présentes salle Wagram à Paris. Les salles combles lors des présentations suivantes illustrent bien l’envie et le besoin d’entendre ce qui fonctionne dans notre monde… C’est ce constat qui incite Christian en 2003, alors qu’il est consultant en stratégie chez Bearing Point, à lancer avec trois associés Reporters d’Espoir, la première agence de presse pour relayer ces « bonnes nouvelles. »
De nombreux responsables de médias restent convaincus que « ce qui marche ne fait pas vendre. » Didier Pourquery, alors directeur délégué de la rédaction de Libération (aujourd’hui directeur adjoint aux rédactions Le Monde) a néanmoins envie d’y croire. Son comité éditorial ne le suit pas. Il décide néanmoins de faire un test sur un tirage traditionnellement confidentiel pendant la trêve des confiseurs juste après Noël. Avec les belles histoires de Reporters d’Espoir et quelques pigistes, le premier « Libé des solutions » sortira le 26 décembre 2008. Résultat : cette édition sera la plus vendue de l’année ! L’opération est évidemment reconduite depuis, cette fois avec la participation des journalistes maison nouvellement ralliés à l’intérêt de parler de ces acteurs de changement.
Quelques années plus tard, Christian lance SparkNews, une plateforme multimédia pour regarder l’actualité sous l’angle des solutions avec le partage de vidéos sur ces projets qui fonctionnent. Citant Gandhi, Christian rappelle : « Un arbre qui tombe fait beaucoup de bruit… Mais une forêt qui germe, on ne l’entend pas. »
Il précise avec force et enthousiasme : « Vivre dans un monde en équilibre, c’est une question de volonté mais aussi de partage de solutions. Les solutions existent, partageons-les ! Plus de 1.400 reportages sont déjà présents sur le site. Ces contenus existaient mais restaient trop souvent sous le radar et difficiles d’accès. Je suis persuadé que la puissance des médias peut changer le monde. Lorsque les médias montrent des solutions, ils invitent d’autres à agir. Et plus on partage, plus on essaime! »
Voici quelques exemples partagés lors de la soirée, ils vous donneront sûrement envie de prolonger sur Sparknews.com…
Franck Hoffmann est un médecin allemand installé à Duisburg qui a développé en 2006 l’association Discovering hands, qui forme des femmes aveugles avec un grand sens du toucher pour réaliser les palpations pour détecter de manière plus précoce et fiable un début de cancer du sein.
Le Clean-up Day est une initiative lancée par Rainer Nõlvak en Estonie : le 3 mai 2008 il a réussi a mobiliser sous la bannière Let’s do it ! plus de 50.000 bénévoles, soit 4% de la population de son pays, pour le nettoyer des déchets sauvages qui le polluent. 10.000 tonnes ont été ramassées en une seule journée pour un coût inférieur à 500.000€ ce que les autorités publiques auraient fait en 3 ans et pour un coût de 12 millions d’euros… Voir l’article Nettoyer le pays en un jour : faisons-le !
Los Reciclados de Cateura est un orchestre de jeunes musiciens paraguayens qui jouent sur des instruments en déchets recyclés dénichés dans la plus grande décharge d’Asunción. Favio Chávez, le directeur de cet orchestre tout à fait singulier, est convaincu du pouvoir de la musique comme élément de transformation sociale : « Vous nous envoyez vos déchets, on vous renvoie de la musique ! » Nous avions raconté cette belle histoire en décembre dernier dans l’article Soyons des « idiots attentifs » à la beauté !
La dernière vidéo présentée par Christian est une bonne illustration de l’essence même de SparkNews. Il s’agit de la promotion du projet Lead India ou comment une pub télé nous invite à y aller, à passer à l’action, à laisser la passivité de côté pour faire bouger les lignes… D.O. c’est le mot d’ordre, deux lettres pour passer du dire au faire, de l’idée à la réalisation. Plus d’infos dans l’article « Allez, on y va ! » quand le Times of India incite à se mobiliser…
Regardez, c’est simple et inspirant…
L’Impact Journalism Day
Si les médias incitent à l’action, c’est que le journalisme peut avoir un impact. C’est ce que Christian appelle l’Impact Journalism ou « journalisme de solutions ». Pour la première édition de l’Impact Journalism Day en juin 2013, 22 journaux de 20 pays ont publié un supplément spécial autour de ces solutions pour leurs 20 millions de lecteurs. « Aujourd’hui, partout dans le monde, les lecteurs ont soif d’histoires différentes. Des histoires porteuses d’espoirs, de solutions concrètes, tant au niveau local que global. Ils recherchent les signes d’un changement auquel ils peuvent s’identifier. Un changement qui les fasse réfléchir… et agir » précise Christian. Cette expérience collaborative allie SparkNews et chaque rédaction des quotidiens dans un partage de sujets, souvent difficiles à trouver tant les porteurs de solutions restent sous le radar des rédactions et des agences de presse. Le bilan très positif promet une édition 2014 plus large encore : 100 médias, 40 pays, entre 100 et 200 millions de lecteurs, d’auditeurs et téléspectateurs, car les médias radios et télés seront également de la partie.
Le partenaire en France était le journal Le Monde. > Voici la version numérique de l’édition de 8 pages du 25 juin 2013.
Devant le haut niveau de complexité de notre monde, il est évident que les techniques habituelles de résolutions de problèmes ont fait long feu. Face à la mondialisation de l’économie, à l’émergence d’une société hyper connectée par les réseaux et au développement de nouvelles formes de conscience individuelles et sociales, les institutions traditionnelles chancellent, semblent dépassées ou ne sont plus audibles.
Face aux défis de notre époque, de nouvelles approches s’imposent. Celles proposées par SparkNews et le Projet Imagine permettent de dépasser certains impensables pour ouvrir de nouveaux possibles. Au-delà des bonnes idées et des rencontres inspirantes qu’ils nous proposent, à un niveau plus profond, ils nous incitent à passer un seuil personnel, celui qui nous conduit à nous pencher sur ce lieu d’où viennent nos actions.
En effet, si nos manières habituelles de voir et d’agir ne nous conduisent nulle part, il nous faut rediriger le faisceau de notre attention et réorienter nos perceptions vers leur source, c’est-à-dire vers ce qui est en train de produire l’action. Lorsque ce basculement se produit, nous commençons à voir la situation à partir d’un autre lieu intérieur. Nous quittons le monde visible, ce que nous voyons, pour rencontrer le monde invisible, la source, le lieu à partir duquel nous percevons le monde. Lorsque nous modifions notre manière d’être attentif, un monde différent émerge. Nous entrons dans un autre Imagine… et c’est un voyage très riche !
Jean-Marc Petit, journaliste économique à La Voix du Nord a publié un article suite à cette soirée : « Frédérique Bedos et Christian de Boisredon : le meilleur des mondes existe, ils l’ont rencontré » > ici
Le journal La Croix a également publié le 25 octobre un portrait de Frédérique Bedos intitulé « La force des anonymes » > ici
Cette intervention a eu lieu le 15 octobre 2013 dans le cadre des soirées « Vivre l’économie
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