Soyons des « idiots attentifs » à la beauté !

« La beauté sauvera le monde ! »

Cette phrase célèbre de Dostoïevski m’inspire quelques réflexions en cette veille de Noël. «La beauté sauvera le monde ?» est d’abord l’interrogation du prince Mychkine, héros principal du roman « L’idiot » et qui en inspire le titre car son regard plein d’empathie, de bonté et d’innocence sur le monde le font passer pour un idiot aux yeux des hommes. Soyons donc des idiots attentifs à la beauté et à la bonté !
(> voir aussi l’article de Fiodor sur le sujet)

Les véritables artistes sont ceux qui – par leurs œuvres – nous laissent entrevoir cette beauté qui trouve tout son sens dans le mystère qu’elle évoque et le contexte qui lui est associé. Autrement dit, la beauté se voit dans la lumière – ou dans l’obscurité – de celui qui la contemple. La philosophe française Simone Weil, écrivait à ce sujet : « Dans tout ce qui suscite en nous le sentiment pur et authentique de la beauté, il y a réellement la présence de Dieu. Il y a presque une incarnation de Dieu dans le monde, dont la beauté est le signe. »

Playing for change, l’Hymne à la joie et l’orchestre Los Reciclados, trois contemplations pour retrouver un regard émerveillé d’enfant sur notre monde…

Los Reciclados de CateuraLos Reciclados de Cateura est un orchestre de jeunes musiciens paraguayens qui jouent sur des instruments en déchets recyclés dénichés dans les poubelles.

Cateura, au Paraguay, est un bidonville installé sur une vaste décharge. 1.500 tonnes viennent s’y déverser chaque jour. Plus de mille gancheros – littéralement des crocheteurs – s’y activent en permanence. On les appellent ainsi car leur principal outil de travail est le gancho, le crochet pour trier les déchets.  Tout commence quand le chef d’orchestre Favio Chávez y débarque pour lancer une école de musique. Il y avait alors bien plus d’élèves que d’instruments disponibles. Et un violon coûte là-bas plus cher qu’une maison… C’est grâce à l’ingéniosité de Nicolás « Cola » Gómez, un des employés de la décharge, qu’une dynamique nouvelle est lancée pour les jeunes de Cateura. Cola est devenu un luthier hors pair qui invente et fabrique des violons, des violoncelles, des flûtes et autres instruments à partir des rebuts de la capitale Asunción et de son agglomération.

Favio Chavez, Cola et leurs instruments recyclésFavio Chávez est le directeur de cet orchestre tout à fait singulier. Il est convaincu du pouvoir de la musique comme élément de transformation sociale : « Vous nous envoyez vos déchets, on vous renvoie de la musique ! » proclame-t-il. Les frontières s’élargissent puisque l’orchestre des Reciclados commence à se produire dans différents pays d’Amérique latine.

Un documentaire en cours de préparation, The Landfill Harmonic raconte l’histoire incroyable de ces jeunes de Cateura. Voici la bande annonce :

Playing for change, une autre manière de changer le monde. 

Une même chanson jouée aux quatre coins de la planète par des artistes de rue qui ne se connaissent pas mais partagent une même aventure et une même émotion grâce au partage en ligne : c’est le mouvement Playing for change. (> voir l’article précédent)« La musique a le pouvoir de casser les murs entre les cultures, d’élever la compréhension entre les humains. Le fait de jouer avec des personnes de culture et religion différentes, avec des opinions économiques ou politiques variées est un message en soi. Cela montre que nous pouvons trouver des manières de travailler, de partager nos expériences avec les autres d’une façon positive. »  indique Mark Johnson qui a initié ce mouvement en 2005.

Stand by me a été un des premiers succès qui les a fait connaître :

L’Hymne à la joie rend joyeux !

Depuis quelques années, les flashmob envahissent l’espace public avec l’irruption de musique ou de chorégraphies dans des lieux publics à la surprise – et souvent au ravissement – de tous les passants. Dans l’exemple qui suit, c’est une banque catalane qui a voulu fêter ses 130 ans en faisant jouer l’Hymne à la joie sur une place de Barcelone à plus de 100 musiciens et choristes qui se regroupent progressivement :

Comme le prince Mychkine de Dostoïevski, soyons des ambassadeurs d’empathie. L’empathie est la capacité à comprendre les sentiments et le point de vue des autres, et d’utiliser cette compréhension pour guider ses propres actions. C’est une qualité qui est essentielle à la fois pour le développement humain individuel mais également pour notre capacité collective à résoudre les problèmes et à construire une société plus inclusive. Le regard de l’artiste ouvert à la beauté du monde nous aide à développer cette qualité.

Logo AshokaL’organisation internationale Ashoka, premier réseau d’Entrepreneurs sociaux dans le monde, fondé par Bill Drayton il y a plus de 30 ans, en a d’ailleurs fait la base de ses actions de sensibilisation destinées aux jeunes avec le programme Start Empathy. Pour que chacun puisse être un acteur de changement, commençons par l’empathie qui est une source de transformation profonde.

Start Empathy, Ashoka

A propos Nicolas Cordier

Social business intrapreneur, corporate changemaker, dreamer and doer, blogger on liberated compagnies, open innovation & how to be an actor in a changing world
Cet article, publié dans La beauté sauvera le monde, est tagué , , , , . Ajoutez ce permalien à vos favoris.

4 commentaires pour Soyons des « idiots attentifs » à la beauté !

  1. Il ya une grande vérité. Nous sommes les agents de grand changement. En particulier les jeunes, désireux de sympathiser avec les autres, indépendamment de leur culture, la race, le statut socio-économique. Article réfléchissant

  2. Eliane JACQUOT dit :

    Je souhaite vous faire partager ces réflexions, non publiées, en réponse à votre magnifique message d’espoir, en ce jour de Noël.

    LE BONHEUR NATIONAL BRUT,UN CONCEPT NOUVEAU?

    Au cours de la deuxième moitié du XXème siècle, une accélération technologique sans précédent a conduit l’humanité à porter des réponses scientifiques aux questions existentielles, dont la recherche du mieux -être.
    Car l’homme a besoin de sens nous disent les philosophes depuis l’antiquité, de Sénèque à Camus,(1) en passant par Saint-Augustin.

    C’est le Bhoutan, petit royaume bouddhiste, coincé entre l’Inde et la chaîne de l’Himalaya, qui en 1972 venant de sortir de son isolement cherchait à préserver son identité. La réponse fut dans la création du Bonheur National Brut (BNB),fondé sur quatre principes : la croissance et le développement économiques , la conservation et la promotion de la culture ,la sauvegarde de l’environnement et l’utilisation durable des ressources. Le concept a fait la renommée du royaume depuis que le roi du Bhoutan en a fait la promotion à la tribune des Nations unies, en 1972.C’est ainsi que la prétendue mesure du BNB a été crée dans un cadre économique et culturel très différent de nos pays développés.
    Plus tard en France(2009), un rapport confié par Nicolas Sarkozy à la Commission présidée par Joseph Stiglitz, Prix Nobel d’Économie visait à donner une mesure objective au bien être. Le rapport a fait grand bruit, jusqu’à Pékin qui l’a fait traduire.
    En Grande -Bretagne, David Cameron a proposé à son tour de suivre le « bien -être général de la population anglaise. »
    Mais l’Économie devenue toute puissante et son obsession de la compétition et des chiffres n’est pas à la source du bonheur de l’homme.

    L’erreur d’interprétation vient d’une phrase devenue célèbre , prononcée par Saint -Just devant la Convention: » Le bonheur, une idée neuve en Europe »…
    « Appelez par votre choix à maintenir cette Constitution Républicaine,(aout 1795) gage de votre bonheur […]. Les Français, unis par les liens d’une douce fraternité, doivent présenter désormais le spectacle d’un Peuple libre & heureux. »(Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen)et le concept devint dès lors quantifiable.
    Écoutons Daniel Cohen, qui dans un brillant essai publié récemment, décrit l' »Homo Economicus »,prophète des temps nouveaux comme un individu pour lequel « le désir satisfait fait place aussitôt à un nouveau désir. »L’homme devient envieux, la consommation devient une fin en soi et le mieux l’emporte sur le bien. De plus l’homme surestime les biens visibles ,l’image donnée aux autres, et sous estime les biens invisibles, ou le sens des choses.
    C’est bientôt au travers des politiques publiques que nous saurons ce que nous devons faire pour être heureux, au risque de faire baisser le Bonheur National Brut. Que deviennent la liberté de l’homme et son libre arbitre dans un tel schéma? Plus grand chose assurément. Cessons de marcher sur la tête.

    « On reconnait le bonheur au bruit qu’il fait quand il s’en va » nous disait Jacques Prévert sous forme poétique. Restons-en à cette définition purement subjective, et tant pis pour le Bonheur National Brut si cher à certains de nos économistes!.

    Éliane Jacquot

    (1) »II faut imaginer Sisyphe heureux « nous dit Albert Camus,(L e mythe de Sisyphe) il cherche à saisir le bonheur dans l’effort, dans la conscience qu’il a de son être au monde, et son rocher ne l’écrasera pas…

  3. Fiodor dit :

    Bonsoir,
    Le hasard du web m’a fait ouvrir cette page de votre site. Le titre « Soyons des ‘idiots attentifs’ à la beauté » a évidemment attiré mon attention. Merci d’avoir évoqué mon blog, et en particulier l’article sur « La beauté sauvera le monde » : http://un-idiot-attentif.blogspot.be/2011/06/la-beaute-sauvera-le-monde.html?view=flipcard
    Bien cordialement,
    Fiodor

  4. Ping : A la rencontre de ces héros anonymes et porteurs de solutions qui donnent envie d’agir avec Frédérique Bedos et Christian de Boisredon | Nicolas Cordier

Laisser un commentaire