B Corporations, une nouvelle génération d’entreprises au service du bien commun

«B Corps» ou «Benefit Corporations»: derrière ce label et une nouvelle forme d’entreprise aux États-Unis, un mouvement de fond est en train de voir le jour avec des entreprises qui entendent utiliser le pouvoir du business pour créer un « bénéfice public », social ou environnemental, au service du bien commun.

« Faire évoluer le capitalisme », c’est ce que souhaite Jay Coen Gilbert, fondateur américain du B Lab et premier promoteur des B Corporations. Il s’agit de passer d’un capitalisme du XXe siècle, dont la seule règle est de créer de la valeur pour les actionnaires, à un capitalisme du XXIe siècle qui prend en compte l’ intérêt des travailleurs, des communautés locales et de l’environnement au même titre que celui des actionnaires.

Leur slogan :  « Nous ne voulons pas être les meilleurs DU monde mais les meilleurs POUR le monde !»

Qu’est-ce qu’une entreprise B-Corp?

En fait derrière cette appellation, se trouvent deux réalités différentes :  aux États-Unis, il s’agit d’une nouvelle structure juridique d’entreprise, modèle hybride entre une entreprise classique (par exemple une C-Corp, équivalent de notre SA en France) et une association sans but lucratif. Cette nouvelle structure légale permet d’apporter une protection légale aux entreprises qui considèrent que les résultats ne se mesurent pas uniquement en termes de profits, mais qui veulent avoir des objectifs pour créer un réel impact positif sur la société et l’environnement. Le Maryland a été le premier État américain a intégrer ce dispositif dans sa législation en avril 2010, rapidement suivi par sept autres États, aujourd’hui ils sont 11 et bientôt 16…

Les entreprises B-Corp sont un nouveau genre d’entreprises dont les obligations fiduciaires sont redéfinies afin de prendre en compte l’intérêt des travailleurs, des communautés locales et de l’environnement. Elles rendent ainsi compte publiquement chaque année de leurs performances sociales et environnementales en utilisant une norme standard indépendante, compréhensible, crédible, et transparente.

Pourquoi une évolution juridique était nécessaire ? Les B Corps ne seraient pas nées sans la controverse judiciaire qui obligea les créateurs du glacier Ben & Jerry’s à vendre leur entreprise à Unilever en 2000 malgré leurs refus réitérés et leur volonté de construire une entreprise différente aux principes respectueux de l’environnement et des communautés locales bien marqués : ingrédients bio, commerce équitable, empreinte carbone réduite,  transparence et partage avec les employés, don d’une partie importante des bénéfices à la communauté…  La Cour Suprême des États-Unis obligea en effet ses fondateurs Ben Cohen et Jerry Greenfield à accepter l’offre de 326 millions de dollars d’Unilever car ils furent dans l’incapacité de démontrer que leur modèle pourrait générer autant d’argent que le montant proposé par la multinationale. La loi établissant que le rôle premier d’une entreprise est de maximiser ses profits pour les actionnaires, refuser une telle offre devenait hors-la-loi !

Bart Houlahan et Jay Coen Gilbert ont vécu une histoire similaire à la tête de leurs magasins de sportswear autour du basket ball AND 1;  ils n’ont pu refuser les 250 millions de dollars d’American Sporting Good pour leur entreprise. Associé à Andrew Kassoy, un autre ancien de Stanford, le trio se met en recherche d’un nouveau modèle d’entreprise qui permette de développer une activité dont l’objectif premier soit de résoudre une problématique sociale ou environnementale, avec le moins d’externalités négatives possibles.

En 2007, ils ont donc créé le B Lab, organisme sans but lucratif leur permettant d’être eux-mêmes les auteurs des changements qu’ils voulaient voir dans le monde  – we must be the change we seek in the world, tel que repris dans la charte B-Corp.

Au-delà du lobby et de la promotion de l’existence des B-Corporations dans les lois de chaque État américain, le B Lab a lancé à l’automne 2011 le GIRRS, une agence de notation sur l’impact global des entreprises à destination des investisseurs pour une analyse extra-financière de leurs investissements. En moins d’un an, 63 fonds d’investissements et 410 entreprises de 30 pays sont rentrés dans ce processus de notation.

> Voir le rapport annuel 2012

La troisième initiative du B Lab a une portée plus universelle encore. Dans un monde où le scepticisme règne en maître et où le green washing a parfois fait place au social washing, il est légitime d’avoir une certification indépendante permettant de souligner l’engagement durable et responsable d’une entreprise pour avoir un réel impact positif sur la société et l’environnement. C’est le label B Corporation. Pour se faire certifier, l’entreprise doit répondre favorablement à au moins 80 critères sur 200 points du questionnaire B Impact Assessment. Plus de 600 entreprises opérant dans 60 secteurs d’activité différents dans 15 pays sont aujourd’hui certifiées (une seule en Europe pour l’instant !). > voir le rapport annuel 2012

L’Amérique latine a accueilli favorablement ce nouveau label. Les entreprises B commencent à se développer au Chili, en Argentine ou en Colombie, bientôt au Brésil… En lien avec le B Lab, Sistema B rassemble depuis 2011 la communauté des promoteurs du label Empresa B en Amérique du Sud.

Tri-Ciclos est la première entreprise chilienne certifiée B Corp, en janvier 2012. C’est d’ailleurs son co-fondateur et actuel directeur général Gonzalo Muñoz qui m’a le premier sensibilisé aux B Corp.

Après avoir occupé différents postes à responsabilités dans des entreprises traditionnelles, Gonzalo a décidé de prendre son indépendance pour mettre ses talents au service d’une cause qui fasse sens et qui ait de l’impact. En 2009, naissait Tri-Ciclos qui propose une offre de recyclage de plus de 20 matériaux différents dans ses Puntos Limpios. Ce permet de recycler 90% des poubelles domestiques d’un pays encore peu habitué au tri sélectif. En plus des objectifs pédagogiques à destination du public, de l’intégration et de l’implication des collaborateurs de l’entreprise, Tri-Ciclos fait bouger les lignes au niveau de la filière et travaille en amont avec les industriels pour mieux anticiper la fin de vie de leurs produits et en aval pour la revalorisation et le recyclage des déchets.

La vidéo suivante [9’51 »] présente de manière sympathique et didactique le projet Tri-Ciclos. Elle a été réalisée par deux jeunes nordistes dans le cadre de leur projet Inspireo (soutenu par Groupe ADEO !) qui se propose «d’aller à la rencontre des entrepreneurs d’exception d’Amérique Latine pour vous donner des idées et ainsi vous permettre de vous réinventer.»

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A propos Nicolas Cordier

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4 commentaires pour B Corporations, une nouvelle génération d’entreprises au service du bien commun

  1. Excellent !!! Merci Nicolas pour ce post.

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